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La synthèse de l’entrevue
L’engagement de M. Damien Desnoue

 

M. Desnoue, qui a 83 ans, est venu nous rencontrer avec son épouse. Il se disait impressionné par l’interview car il n’avait encore jamais parlé de ses souvenirs devant un groupe.

Damien Desnoue est rentré dans la résistance pour éviter d’aller au STO. Il est allé en chantier de jeunesse à Renaison, en pleine montagne, à partir de novembre 1941. Les conditions de vie y étaient difficiles (il faisait très froid, il y avait très peu de nourriture, on les faisait travailler durement...). Il revient chez ses parents en juin 1942, où il travaille avec eux comme cultivateur. Avec son beau-frère, M. Maison, ils commencent par quelques actes de résistance : coller des affiches, détourner des panneaux de direction tout en continuant à travailler à la ferme le jour.

(Les résistants collent des affiches ou de tracts, le plus souvent la nuit pour éviter de se faire voir, pour inciter les cultivateurs à ne pas fournir leurs produits au moment des réquisitions des Allemands).

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les lieux des actions de M. Desnoue

La nuit, ils se cachent. Ses parents s’en rendent compte mais personne n’en parle. Un jour, un gendarme de Montrésor prévient M. Desnoue et M. Maison qu’on les recherche. Ils quittent donc définitivement la ferme sans rien dire à personne et entrent dans la clandestinité et la Résistance. Ayant entendu dire qu’Edgard Brouillard (surnommé « Tonton ») cherchait justement des hommes pour former un petit groupe de résistants, ils se rendent à Genillé ; caché dans des caves, le petit groupe a débuté avec une dizaine d’hommes puis s’est agrandi pour atteindre une cinquantaine d’hommes.

A ce moment là, M. Desnoue n’avait pas d’idées précises de ce qu’étaient les camps de concentration ; ce n’est que plus tard qu’il en su davantage puisqu’à cette époque, il n’y avait pas beaucoup de moyens de communication sûrs et il fallait surtout faire attention à ce que l’on disait : « tourner au moins 3 fois la langue dans sa bouche avant de parler » nous a-t-il dit.

Il vivait avec la peur et d’ailleurs, il avait toujours une boule de cyanure sur lui comme chacun des membres du groupe : « plutôt mourir que de parler » nous a-t-il affirmé.

Il ne ressentait pas vraiment de haine pour les Allemands, sauf pour les S.S. qui étaient abattus sans état d’âme. Les résistants voulaient seulement qu’ils quittent la France. D’ailleurs, au château de Rassay à Genillé, son beau-frère, Raymond Maison, a gardé des prisonniers allemands avec qui il discutait. Les prisonniers lui confiaient qu’ils n’avaient qu’un désir : que cela s’arrête pour qu’ils puissent rentrer chez eux.

Au début, les maquisards n’avaient pas beaucoup d’armes, leurs actes pouvaient donc paraître « petits » pour nous, mais ils ont bien dérangé les Allemands. M. Desnoue nous a parlé avec humour des changements de direction de panneaux de la route qui ont obligé les Allemands à faire de sacrés détours !

Ils faisaient aussi des « attentats » pour récupérer les marchandises ou des camions. Dans tous les cas, ils se déplaçaient à vélo, à pied ou plus rarement en camions et voitures quand ils avaient de l’essence.

En cas d’échec, ce qui arrivait rarement puisque c’était eux qui lançaient les attaques, ils avaient toujours une stratégie de repli précise et organisée (exemple : échec à Loches du 17 au 20 août 1944).

Lors d’une attaque, M. Desnoue nous a d’ailleurs dit avec regret et tristesse qu’un de ses camarades lui était tombé dans les jambes, mort.

Il nous a montré des notes sur lesquelles étaient mentionnées les opérations auxquelles le maquis des FTP a participé. En voici les plus marquantes :
-   le 12 mai 1943 = incendie de la gare de Verneuil
-   avril, mai, juin 1944 = sabotage de l’armurerie allemande
-   le 14 juillet 1944 = sabotage à Chambourg (voies de fer, lignes de téléphone)
-   du 16 au 22 juillet 1944 = trois coupures de voies ferrées à Montrichard
-   août 1944 = vol de grenades et de munitions à Reignac sur Indre
-   le 20 août 1944 = quatre camions et trois voitures allemandes tirent sur le donjon à l’aide des mitrailleuses et des canons où étaient des guetteurs. Les allemands sont repoussés et abandonnent le combat (Leur butin était : 1 camion gazoil et son chargement, 3 voitures, 1 canon, 3 caisses, 1 mortier)
-   le 27 août 1944 = guérilla urbaine à St Hippolyte, St Martin, Loches et Verneuil sur Indre.

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les lieux des actions de M. Desnoue

Ce maquis recevait des ordres de Tours ; de M. René David, le chef, souvent par radio mais seul Edgard Brouillard (dit « Tonton ») les décryptait, ensuite c’est lui qui transmettait les ordres aux maquisards.

Les femmes ont joué un grand rôle dans la communication entre les différents maquis puisque c’étaient elles qui transmettaient les messages. C’était donc des vrais agents de liaison, d’ailleurs plus elles étaient jeunes et moins elles avaient de risque de se faire arrêter et donc de ne pas transmettre les informations. D.D (surnom de Damien Desnoue) se souvient bien de « Simone » qu’il a rencontré à plusieurs reprises.

Les maquisards vivaient dans la clandestinité : leurs ravitaillements se faisaient par parachutage, notamment sur les hauts de Bléré. Ils pouvaient également se procurer de la nourriture grâce à certains cultivateurs en qui ils avaient confiance.

Mme Desnoue nous a confié avoir vu sa mère lorsqu’elle était enfant, préparer des chaudrons de soupe qui disparaissaient la nuit. Une fois, pour savoir, elle a suivi sa mère qui lui a fait signe de rester à la maison et de se taire. Rien d’autre n’a été dit. Les maquisards cachaient les marchandises comme les armes dans des caves.

Ils dormaient dans des greniers, dans la paille des maisons abandonnées parfois « à la belle étoile », et en tout cas, s’ils dormaient, ce n’était que d’un œil et avec des sentinelles pour surveiller les environs.

Les relations avec les autres maquis étaient bonnes puisqu’il arrivait souvent qu’ils se regroupent pour des opérations de plus grande ampleur. Avec les gendarmes, il fallait être très prudent, même si certains d’entre eux étaient plutôt de leur côté (comme celui de Montrésor qui a averti M. Desnoue de l’arrivée des Allemands) ; certains pouvaient être contre eux et les dénoncer. Ils craignaient autant la milice que les Allemands.

La famille de D. Desnoue se doutait de sa participation au maquis mais il ne pouvait rien leur dire au sujet des lieux de campement au risque d’être découvert. Il fallait vraiment qu’elle en sache le moins possible.

Le 1er août 1944 au camp de Tivoli, il y a eu un regroupement et un changement de commandement ; ce n’est plus Edgard Brouillard (« Tonton »), mais le capitaine Albert des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) qui était à la tête du maquis. A ce moment là il ne faisait donc plus parti des F.T.P.F mais des F.F.I.

D. Desnoue a gardé son nom de code DD, mais il a eu en plus un brassard F.F.I et un numéro de matricule : le 51526, qui en cas de décès permettait d’identifier la personne. Il s’agissait d’une organisation complètement différente.

A la question sur l’opération qui l’a le plus marqué il a répondu sans hésiter : « le coup de Loches, la libération de Loches ». Ils étaient, lui et un autre résistant, dans une loge de vigne en tuffeau pour observer les Allemands sans être vus et les empêcher de passer. Mais les Allemands les ont repéré et tiré sur eux ; les balles ont traversé les murs de tuffeau. Ils sont sortis tout blanc de la loge, dit-il en souriant, même si, ce jour là, ils ont eu très peur. Lors de cette embuscade, il a permis le repli de ses camarades de combat en restant à l’arrière pour les couvrir. Cette action lui a d’ailleurs valu une citation pour son courage.

Pendant la résistance, M Desnoue avait tellement pris l’habitude de faire extrêmement attention à ce qu’il disait, qu’il a vraiment eu du mal à parler de ces moments et répondre aux questions que beaucoup de gens se posaient. Mais de toutes façons, tout de suite après la guerre, personne n’osait vraiment en parler, c’était un sujet tabou, qu’on évitait, ce qui, en quelque sorte l’arrangeait.

Encore aujourd’hui, M. Desnoue a des souvenirs très vivants, alors il lui arrive quelquefois d’écrire pour garder une trace ou de se retrouver avec d’autres résistants et de parler de ce qu’ils ont vécu.

A la Libération, il est retourné chez ses parents et c’est à ce moment là qu’il a rencontré Mme Desnoue. Ils sont donc passés à autre chose : ils sont restés pendant quelques années dans l’ « agriculture », puis comme ça ne leur plaisait pas vraiment, ils ont travaillé à la Maison de repos du Liège, lui en tant que chauffeur, et elle, en tant que serveuse. Ensuite, ils ont pris leur retraite et sont venus s’installer à Loches.

 
Publié le mardi 28 mars 2006
Mis à jour le mercredi 5 avril 2006

 
 
 
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